Beaucoup de souscripteurs de contrats d’assurance vie attachent une grande importance aux aspects purement financiers de leur(s) contrat(s), et ils ont raison : la performance du fonds en euros, le nombre et la qualité des fonds d’investissements pour les contrats multisupports, les frais de gestion et les frais d’entrée, etc.
Pourtant, le point essentiel à mes yeux dans un contrat d’assurance vie est la clause bénéficiaire.
C’est cette clause qui permettra aux bénéficiaires de percevoir les capitaux transmis hors succession. En l’absence de bénéficiaire, les capitaux décès seront réintégrés à la succession et par conséquent soumis aux droits de succession.
Eviter le piège de la déshérence
Il y a encore pire que les droits de succession pour un contrat d’assurance vie. En cas de clause ambiguë ou mal rédigée, qui plus est si le bénéficiaire ignore qu’il est désigné, votre contrat risque de tomber en déshérence, c’est-à-dire que l’assureur garde les fonds faute de trouver le bénéficiaire.
Ce sujet me tient particulièrement à coeur car j’en ai été la victime à titre personnel.
En dépit de plusieurs lois successives de plus en plus contraignantes (lois 2007-1775, 2013-672 puis la loi Eckert 2014-617), certaines compagnies d’assurance ont encore tendance à traîner les pieds pour trouver les bénéficiaires des contrats en déshérence.
Pour ceux qui en douteraient, on estime qu’il reste à ce jour environ 4 milliards d’euros retenus sur des contrats d’assurance vie en déshérence. Certes, ça ne représente que 0,25 % de l’encours total de l’assurance vie en France, mais ça arrive dans la vraie vie.
Une autre cause possible de déshérence d’un contrat est que l’assureur ignore votre décès.
A noter que la loi 2013-672 du 26/07/2013 oblige désormais les assureurs à s’assurer au moins une fois par an si leur clients sont en vie. C’est ahurissant, mais ça veut dire que ce n’était pas obligatoire auparavant !
D’autre part, avant la loi 2007-1775 du 17/12/2007, les bénéficiaires acceptants d’un contrat d’assurance vie pouvaient bloquer les capitaux d’un contrat, et même bloquer toute modification postérieure de la clause bénéficiaire.
Ce n’est désormais plus possible sans l’accord du souscripteur du contrat. Il est donc désormais beaucoup moins contraignant d’informer les bénéficiaires désignés des contrats d’assurance vie qu’on a souscrits.
On peut toutefois imaginer que certains, pour diverses raisons, ne souhaitent prévenir personne de leur vivant. Dans ce cas l’alternative la plus sûre est le testament déposé directement chez un notaire, ou via un avocat.
En résumé, la meilleure manière d’éviter le piège de la déshérence est :
- de prévenir les bénéficiaires, soit directement, soit via un testament ;
- d’avoir une clause bénéficiaire bien rédigée, c’est l’objet de la suite de ce post.
Les risques de la clause bénéficiaire par défaut
Les assureurs proposent souvent une clause type en chaîne de bénéficiaires désignés par leur qualité ou leur lien de parenté, du genre :
« mon conjoint ; à défaut mes enfants nés ou à naître ; à défaut mes héritiers légaux »
Vérifiez quand même si c’est le cas de votre contrat, on se sait jamais. L’importance dans ce type de clause standard est la présence de bénéficiaires de second, voir de troisième rang.
Normalement, ce type de clause évite de fait la déshérence car l’assureur doit s’adresser au notaire chargé de la succession pour verser les capitaux décès.
Cependant, ce type de clause standard, comme son nom l’indique, est adapté aux cas standard.
Je suis bien placé pour en parler, car j’ai moi-même fini par hériter en 2007 d’un membre éloigné de ma famille qui possédait un contrat d’assurance vie avec clause standard du type de celle ci-dessus.
Pourtant la compagnie d’assurance a fait son boulot : elle s’est adressée au notaire réglant la succession. Comme la personne en question n’avait plus de contact avec notre famille depuis longtemps, le notaire s’est adressé à un cabinet de généalogie qui a mis 2 ans pour identifier tous les héritiers.
Le contrat est donc entré en déshérence, et au final environ 40 % de l’héritage sont tombés dans l’escarcelle du notaire et du cabinet de généalogie.
Outre le cas que j’ai vécu personnellement, il existe un autre piège bien connu dans les clauses bénéficiaires standard.
La clause « mon conjoint » est ambiguë. Il faut lui préférer « mon conjoint au moment du décès » qu’on retrouve dans la clause standard de la plupart des contrats récents. A vérifier quand même… Car en cas de divorce, séparation, on imagine les problèmes juridiques potentiels…
Il faut aussi savoir que le terme « conjoint » ne désigne ni un partenaire en union libre, ni un partenaire de PACS.
Pour désigner un partenaire de PACS il faut utiliser la formule « mon partenaire avec lequel j’ai conclu un pacte civil de solidarité ». Quant au concubin il doit être désigné de manière nominative, voir ci-dessous.
Les différentes possibilités pour la clause bénéficiaire personnalisée
Si vous choisissez de ne pas utiliser la clause standard de votre contrat, à ma connaissance 3 choix sont possibles :
1. Désigner les bénéficiaires nominativement
Pour éviter toute ambiguïté, notamment les possibilités d’homonymie, il faut mentionner les noms, prénoms, mais aussi les date et lieu de naissance, et même l’adresse de chaque bénéficiaire.
Si vous désignez une personne morale comme une association caritative par exemple, il faut penser à préciser sa dénomination exacte et l’adresse de son siège social. Autre point important : vérifier qu’elle a le statut adéquat pour recevoir des dons et legs, sinon c’est l’état qui va hériter.
2. Désigner les bénéficiaires par leur lien de parenté
Il faut éviter de mélanger lien de parenté et noms dans une clause bénéficiaire, sauf bien sûr si c’est intentionnel. Un exemple typique est
« mes petits-enfants TOTO et TITI »
Dans ce cas tant pis pour le petit-enfant TUTU qui a eu la malchance de naître trop tard…
Si vous souhaitez permettre au descendant d’un bénéficiaire décédé de venir en remplacement de ce dernier, penser à utiliser la formule de représentation, c’est la dénomination juridique adéquate. Par exemple :
« mes enfants vivants ou représentés »
3. Désigner les bénéficiaires par testament
Dans ce cas, l’identité des bénéficiaires n’apparaît pas explicitement dans la clause bénéficiaire.
Quelques conseils de bon sens :
- déposer le testament chez un notaire pour éviter tout risque de perte ;
- signaler l’existence du testament auprès de l’assureur et les coordonnées de l’étude notariale où il est déposé. Deux précautions valent mieux qu’une…
- dans le testament, désigner clairement le nom commercial et surtout le numéro de contrat, le nom de l’assureur et l’adresse de son siège social, et bien sûr désigner les bénéficiaires en suivant les règles rappelées plus haut.
Enfin, une règle générale de suivi d’une clause bénéficiaire personnalisée : il faut penser à mettre à jour les informations, comme un changement de situation familiale, un changement d’adresse, etc.
Et vous, avez-vous pensé à vérifier la clause bénéficiaire de vos contrats d’assurance vie ? Et est-ce que votre assureur a bien rempli sa fonction de conseil pour sa rédaction ?
Etienne@assurance pro
Merci de mettre en garde concernant la clause bénéficiaire. J’en ai moi-même été victime et je ne le souhaite à quiconque.
Ultiminfo
Très bon article ! Effectivement il est vital de rappeler que la clause bénéficiaire doit « vivre » avec la vie du souscripteur !
Le modèle matrimonial a fortement évolué (!), nous sommes de plus en plus nomades…donc les informations contenues dans nos clauses bénéficiaires sont très rapidement obsolètes !
L’ignorer ou le négliger peut en couter cher, non pas aux souscripteurs par définition décédés quand la question se pose !, mais aux bénéficiaires survivants.
Alors, svp, souscripteurs vivants, ayez pitié de vos bénéficiaires et prenez la clause bénéficiaire au sérieux !!
David
Dans le cas d’un contrat en co-adhesion, comment rédiger cette clause?
Doit on prendre la peine de désigner le co-adherent comme bénéficiaire?