Nous vivons actuellement une période difficile où tous les actifs sont surévalués. Dans ce contexte général, il n’est pas simple de construire un portefeuille boursier offrant un rendement élevé basé sur les dividendes.
C’est pourtant le défi que je me suis lancé avec l’ouverture le mois dernier d’un compte titres investi sur le marché Nord américain. Rappelons l’objectif : parvenir à dégager un revenu alternatif supplémentaire de 10 000 $ US par an d’ici une dizaine d’années.
En parallèle à l’objectif de revenus supplémentaires, le second objectif est la diversification monétaire car j’ai de moins en moins confiance en la zone euro. Qui peut croire que le problème grec a été réglé, et plus généralement que la zone euro peut subsister dans sa forme actuelle ?
Pour produire un rendement sur dividendes global élevé (disons supérieur à 5 % brut), la tâche semble ardue avec le rendement actuel du S&P 500 de l’ordre de 2 %.
Une manière d’y parvenir est d’exposer partiellement son portefeuille au « high yield » : les investissements de « Type 3 » tels que je les ai définis dans ce premier post, c’est-à-dire les titres risqués offrant des retours sur dividendes de l’ordre de 10 %.
J’entame donc aujourd’hui une série d’articles sur ces investissements à rendements élevés.
Qui dit rendement élevé dit aussi risque élevé. Les éléments et analyses que j’avance ne constituent bien entendu pas des conseils d’investissement. Chacun doit adapter ses choix à son profil de risque et à son horizon d’investissement.
Par souci de transparence comme toujours sur ce blog, je communiquerai cependant pour chaque catégorie étudiée tous les investissements personnellement engagés.
Je commence aujourd’hui cette série par les « Business Development Companies », ou BDCs, acronyme que j’utiliserai systématiquement plus bas. Dans ce premier post, je me contenterai d’une description générale des BDCs.
Qu’est-ce qu’une Business Development Company ?
Les BDCs sont des entreprises du secteur financier cotées sur les marchés US. Elles ont été créées sous leur forme actuelle en 1980 par un amendement à l’Investment Company Act de 1940.
Le métier principal des BDCs est de fournir des prêts aux petites et moyennes entreprises en forte croissance, ou de prendre des participations à leur capital.
L’univers d’investissement des BDCs peut être défini arbitrairement, car il n’y a pas de définition claire, comme les entreprises dont le résultat opérationnel est dans la fourchette de 10 à 50 millions de $. Cette définition correspond en France aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), voire à certaines grosses PME.
Investir dans une Business Development Company revient donc à acheter un fonds fermé de prêts diversifiés à des entreprises de taille intermédiaire, les « middle market loans ».
Le marché des prêts aux ETI est loin d’être négligeable aux Etats-Unis. Il représentait un portefeuille d’environ 600 milliards de $ en 2014, en croissance constante depuis de nombreuses années.
Les BDCs sont pour les ETI américaines une source de financement alternative aux banques traditionnelles.
En raison de la régulation de plus en plus sévère suite à la « grande récession » de 2008/2009, les banques traditionnelles aux US ont plus de mal à intervenir sur ce marché.
La part bancaire du marché des « middle market loans » est en effet tombée de 20 % en 2011 à 9 % en 2014 (source Forbes). Ces dernière années, compte tenu de l’amélioration de l’économie américaine, la part du gâteau des BDCs augmente donc de facto.
Tous les types de prêts peuvent être rencontrés dans le portefeuille des BDCs : de la dette senior la plus sécurisée à la dette mezzanine la plus risquée. Les BDCs peuvent émettre des prêts en leur nom propre, ou privilégier des portefeuilles de dette syndiquée (syndicated debt).
Ceci permet à certaines BDCs d’afficher des rendements stratosphériques (supérieurs à 10 %), avec le risque qui va avec bien sûr. Le retour moyen sur dividende des BDCs en 2014 était d’environ 9 %. C’est presque 5 fois mieux que le rendement du S&P 500.
Les 3 caractéristiques d’une Business Development Company
1. Statut fiscal et distribution du résultat aux actionnaires
Les BDCs sont spécialement structurées pour fournir un revenu régulier et un rendement élevé à l’investisseur. Ceci tient à leur statut fiscal. Les BDCs postulent toutes pour faire partie de la catégorie des « Regulated Investment Companies » (RICs).
En tant que telle, elles échappent à l’impôt sur les sociétés à l’exception de la taxe d’accise fédérale de 4 %.
En contrepartie de ce statut fiscal, elles doivent redistribuer à leurs actionnaires au moins 90 % de leur bénéfice annuel imposable sous forme de dividendes. Si ce ratio dépasse 98 % (c’est toujours le cas en pratique), elles échappent également à la taxe d’accise fédérale.
Ce statut fiscal particulier est partagé par d’autres véhicules d’investissements aux USA comme les Real Estate Investment Trusts (REITs) ou les Master Limited Partnerships (MLPs).
Le revers de la médaille est qu’il est difficile à une Business Development Company de réinvestir son cash flow, forcément limité, pour se développer. Sa seule manière de croître est l’endettement afin d’augmenter son portefeuille de prêts.
Les BDCs ne sont clairement pas des supports de croissance, mais bien des titres de rendement. Leurs dividendes sont payés par trimestre ou mensuellement.
Les bénéfices des BDCs échappant à l’IS, ils ont la particularité d’être taxés une seule fois au niveau de l’investisseur privé. C’est un avantage fiscal extraordinaire pour le contribuable américain s’il les loge sur un plan d’épargne retraite (Roth IRA) lui aussi exempt de toute taxation.
Pour l’investisseur français, l’avantage fiscal est moins alléchant car on ne peut bien sûr pas loger une BDC dans un PEA. Cependant, l’abattement de 40 % sur les dividendes s’appliquera alors qu’une Business Development Company ne paye pas l’IS. Les SIIC ne bénéficient pas de ce traitement de faveur.
Par ailleurs, le pré-compte d’impôt à la source de 15 % en vigueur selon la convention fiscale avec les USA, normalement appliqué par votre courtier, sera récupéré l’année N+1.
2. Effet de levier
Les BDCs à l’image des banques traditionnelles vivent essentiellement des spreads de taux : elles empruntent peu cher et prêtent plus cher, entre 6 et 15 % actuellement selon la position occupée dans le capital de l’ETI (voir partie 2).
Les BDCs ne peuvent pas dépasser un ratio d’endettement de 1 : en clair, pas plus de 1 dollar d’emprunt pour un dollar d’actif. Les banques traditionnelles, ou les mREITs plus directement comparables aux BDCs, ont des leviers d’endettement nettement supérieurs.
Attention cependant : le levier d’endettement « réel » d’une Business Development Company est partiellement caché dans le portefeuille des prêts qu’elle accorde aux sociétés dans lesquelles elle investit.
L’empilement de dettes se termine souvent mal. En ces temps de prochaine remontée des taux d’intérêts, j’aurais donc tendance à privilégier actuellement les BDCs par rapport aux mREITs dont certaines ont des leviers extravagants et des stratégies de couverture obscures.
Par exemple, un des mREITS les plus connus CYS Investments (CYS) a en ce moment un levier supérieur à 7. Orchid Island Capital (ORC), un autre mREIT, a un levier supérieur à 8, et une structure de couvertures tellement complexe que j’ai renoncé à comprendre comment ils peuvent payer leur dividende.
3. Diversification et liquidité
Les BDCs suivent des règles prudentielles qui garantissent un certain niveau de diversification :
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chaque ligne de leur portefeuille ne peut excéder 5 % du total des actifs, ni plus de 10 % des droits de vote dans les entreprises supports de leurs investissements ;
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une BDC ne peut investir plus de 25 % de ses actifs dans les entreprises qu’elle contrôle, ou dans des entreprises exerçant le même métier ;
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elle doit maintenir au-dessus de 70 % son niveau d’investissements dans des actifs dits « éligibles », en gros des entreprises non cotées ou identifiées auprès de la SEC si leur capitalisation est inférieure à 250 millions de dollars.
Jusqu’à 30 % de ses avoirs peuvent donc être logés dans des actifs « non-éligibles ». Comme exemple d’actif non-éligible, les BDCs peuvent avoir dans leurs livres des Collateralized Loan Obligations (CLOs), des pools de dettes de signature médiocre, donc très risqués, des parts dans des REITs, des bons du trésor à maturité courte, etc.
Si une Business Development Company viole une des règles ci-dessus, elle perd son statut de RIC.
Même s’il existe des BDCs spécialisées sur un secteur particulier, les plus grosses sont généralement diversifiées sectoriellement. Ceci leur confère un avantage certain par rapport aux mREITs qui sont cantonnés aux prêts hypothécaires, donc tributaires du seul secteur immobilier.
Il n’y a pas vraiment d’équivalent aux BDCs sur le marché européen. L’investissement accessible au particulier en France le plus proche d’une BDC serait peut-être (?) un prêt à une PME via une plate-forme de crowdfunding.
A moins de multiplier ce type d’investissement (je ne m’y frotterais pas), tous les oeufs sont alors placés dans le même panier : aucune diversification = risque maximum, et mieux vaut connaître la(les) PME choisie(s) sur le bout des doigts au risque de ne pas revoir son capital.
En investissant dans une Business Development Company, on délègue au management le choix des investissements. C’est un métier.
Enfin, dernier point : les BDCs sont des actions cotées sur le NYSE et le NASDAQ. Nombre d’entre elles ont des capitalisations boursières de plusieurs centaines de millions de dollars. Elles offrent à l’investisseur individuel un faible ticket d’entrée et toutes les garanties de liquidité d’un instrument financier coté.
Dans la partie 2, nous examinerons les paramètres clés à considérer avant d’investir dans une BDC.
Alexandre
Sur la cote parisienne, il est difficile de trouver des actions proposant un rendement supérieur à 5%. Mais avez-vous explorer les certificats coopératifs d’investissement (CCI) émis par les caisses régionales du Crédit Agricole ? Ces titres affichent d’importantes décote (par rapport à leur fonds propres), un PER relativement faible et mais un rendement proche de 5% (selon les caisses).
–> Principale différence avec une action : pas de droit de vote aux AG // Mais en a t-on besoin ?
Par ailleurs avec vos investissements US, comment gérer vous les variations de la parité €/$ ?
Laurent
Bonjour,
– Je ne connais pas les CCI, merci pour cette suggestion, je vais me pencher dessus. Au premier coup d’oeil, la liquidité me semble très limitée, n’est-ce pas un problème ?
– J’ai pas mal réfléchi au problème de la parité euro/dollar (USD et CAD) avant de me lancer, voir ce premier post :
http://www.nos-finances-personnelles.com/ouverture-dun-compte-titres-ordinaire/
Je n’envisage pas de couverture forex explicite. Mes investissements américains seront progressifs et prévus sur 10 ans. J’anticipe un jeu à somme nulle sur une période aussi longue.
Maintenant, si on lit la littérature dans le domaine, on voit que les experts prévoient une équi-parité euro/USD d’ici 1 à 2 ans, au fur et à mesure de l’avancement du programme de QE de la BCE, et une fair value de 1,15 USD pour 1 euro sur le long terme.
Sur cette base, je pense ne pas avoir commencé trop loin du point d’équilibre. Je ne me fais cependant pas beaucoup d’illusions sur les prévisions des experts (« les prévisions en disent long sur ceux qui les font » comme disait l’autre).
Plus globalement, je commence à m’interroger sur la valeur intrinsèque de l’euro qui repose uniquement sur la solidité de l’économie allemande (en particulier son excédent commercial disproportionné). Un euro en Grèce n’est plus égal à un euro allemand : c’est un fait incontestable. Regardez la fuite des capitaux de Grèce depuis le début de l’année et ce qui s’est passé à Chypre tantôt.
Reste à savoir ce que vaudra un euro en France dans quelque temps, à chacun de se faire son opinion…
L.
Alexandre
Bonjour,
Pour les CCI, je vous conseille de lire cet article d’investir (http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/dossier/Les-caisses-regionales-de-Credit-Agricole-affichent-toujours-une-forte-decote/les-caisses-regionales-de-credit-agricole-affichent-toujours-une-forte-decote-1041689.php), il suffit d’actualiser les chiffres. De plus, si vous anticipez une hausse des taux d’intérêt, investir dans les caisses régionales du Crédit Agricole pourrait être une très bonne idée…
Concernant le manque de liquidité, je ne vois pas d’incompatibilité avec votre stratégie d’investissement à long terme. Un « trou d’air » (sans lien avec les fondamentaux) vous permettrait de renforcer votre ligne et ainsi d’augmenter le rendement de la ligne.
Laurent
OK, merci pour l’info.
Pour le manque de liquidité, je voulais simplement dire que j’ai cru voir des CCI qui n’ont même pas un volume de 200 échanges certains jour. Je me méfie dans ce cas, chat échaudé…
L.