Les 3 pièges de l’assurance-vie en co-adhésion

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assurance vie en co-adhésionDans un des articles les plus consultés sur ce blog « Les avantages de l’assurance vie en co-adhésion », j’évoquais l’intérêt pour un couple marié sous régime de communauté de souscrire un contrat d’assurance vie en co-adhésion.

La majorité des contrats d’assurance vie sont souscrits en adhésion individuelle (un seul adhérent assuré).

Les contrats individuels sont à mon sens parfaitement adaptés aux couples mariés sous régime de séparation de biens, ainsi qu’aux couples pacsés, ou vivant en union libre. Les fonds propres dans un couple marié sous régime légal de communauté y trouveront également une destination adéquate.

Par contre, je vois une contradiction à utiliser des fonds communs pour alimenter un contrat d’assurance vie individuel. La co-adhésion semble plus adaptée à la philosophie des régimes matrimoniaux de communauté.

Cependant, un courriel récent adressé par un lecteur du blog m’a remis en mémoire que la co-adhésion, si elle présente des avantages, recèle 3 pièges que je discute dans ce post.

Ces 3 pièges sont : (i) l’inadéquation entre le régime matrimonial et le dénouement du contrat (ii) l’âge des co-souscripteurs et (iii) le risque de novation fiscale.

Voyons un peu de quoi il en retourne.


Les 2 types de souscription d’une assurance vie de capitalisation

Rappelons brièvement en préambule qu’il existe 2 modes d’adhésion pour la souscription d’un contrat d’assurance vie de capitalisation :

  • l’adhésion individuelle (ou nominative).

    C’est le mode de souscription le plus répandu : le contrat est souscrit au nom d’une seule personne qui gère le contrat comme elle l’entend ;
  • la co-adhésion (ou adhésion conjointe).
    Ce mode de souscription plus confidentiel consiste à souscrire un contrat d’assurance vie au nom de 2 personnes, le plus souvent un couple marié.

La co-adhésion permet notamment de contourner les effets pervers de l’arrêt Bacquet qui pénalise fiscalement le contrat d’assurance vie individuel du conjoint survivant s’il a été alimenté avec des fonds communs. Nous avons discuté ce point à plusieurs reprises, notamment dans ce post.

Même s’il semble exister une volonté du législateur actuel (voir ici ) d’annuler les effets de l’arrêt Bacquet (ou de les décaler fiscalement, ce n’est pas clair ?), celui-ci est à notre connaissance toujours en vigueur.

Plus généralement, la philosophie de la co-adhésion est de mieux protéger le conjoint survivant. Elle correspond à une volonté de gérer en couple des fonds de la communauté, toutes les décisions de gestion dans ce type de contrat devant résulter d’un commun accord.

Dans cet esprit, les compagnies d’assurance vie acceptent généralement la co-adhésion uniquement pour les couples mariés sous un régime de communauté.

En effet, le régime de séparation de bien est en contradiction avec l’esprit de gestion commune. De même, quasiment toutes les compagnies d’assurance refuseront, ou à tout le moins déconseilleront fortement, aux couples pacsés ou en union libre de souscrire en co-adhésion.

L’assureur est avant tout un gestionnaire de risque. Il sait qu’un PACS est fragile et qu’en cas de rupture, il faudra racheter le contrat pour partager les capitaux. Sans compter les tracas juridiques et fiscaux que le partage risque d’occasionner.

Si l’adhésion conjointe semble tout indiquée pour les couples mariés sous régime de communauté, elle recèle 3 pièges qu’il faut bien avoir à l’esprit avant de souscrire.

1er piège : L’inadéquation entre régime matrimonial et dénouement du contrat

Il existe 2 types de contrats d’assurance vie en co-adhésion :

  • ceux à dénouement au premier décès ;

  • ceux à dénouement au second décès.

Un contrat à dénouement au premier décès est dénoué comme son nom l’indique suite au décès du premier co-adhérent.

En général, le bénéficiaire désigné est le conjoint survivant co-adhérent, en pleine propriété ou éventuellement en usufruit, les enfants recevant alors la nue propriété du contrat.

Un contrat à dénouement au second décès subsiste après le premier décès sur la seule tête du conjoint survivant. Le contrat se transforme de fait en contrat individuel sans perte de son antériorité fiscale.

La première chose à vérifier avant de conclure un contrat d’assurance vie en co-adhésion est la compatibilité de son régime matrimonial avec ledit contrat.

Il subsiste actuellement 2 régimes matrimoniaux de communauté :

  •  La communauté réduite aux acquêts qui est le régime légal par défaut (sans « contrat de mariage ») depuis le 1er février 1966.

    Dans ce régime matrimonial, tous les biens acquis ou créés pendant le mariage (les « acquêts ») sont considérés comme des biens communs. Mais chacun conserve ses biens propres, antérieurs et postérieurs au mariage. Le régime légal de communauté de meubles et acquêts antérieur au 1er février 1966 est désormais obsolète.

  • La communauté universelle qui élargit le périmètre de la communauté à la quasi-totalité des biens des époux, y inclus leurs biens propres antérieurs et postérieurs au mariage.

    Le régime de  communauté universelle est souvent accompagné d’une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant. Cette clause permet une transmission au conjoint survivant sans ouverture de succession (mais elle risque d’alourdir considérablement les droits de succession au second décès).

La co-adhésion sur assurance vie avec dénouement au premier décès est réservée aux couples mariés sous un régime de communauté (l’un ou l’autre).

La co-adhésion avec dénouement au second décès est réservée aux couples mariés sous régime de communauté universelle assorti d’une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant.

J’ai ainsi été surpris de recevoir la semaine dernière ce mail d’un lecteur du blog, lequel m’a d’ailleurs donné l’idée initiale de ce post :

« Nous sommes mariés sous le régime légal. Nous n’avons pas de clause d’attribution intégrale au conjoint survivant ni de clause de préciput.
Pouvez vous avoir l’amabilité de répondre aux questions suivantes:
1 – est ce que le contrat que nous avons souscrit sera bien dénoué qu’au second décès ?
2 – est ce qu’au premier décès, le conjoint survivant sera bénéficiaire de la totalité du contrat ?
3 – est ce que nos deux enfants bénéficieront, au second décès, des abattements fiscaux prévus pour l’assurance-vie ? 
»

Ce couple a manifestement été mal conseillé lorsqu’il a souscrit son contrat d’assurance vie.

Dans le meilleur des cas, la compagnie d’assurance s’apercevra de l’erreur et versera les capitaux aux bénéficiaires dès le premier décès.

Dans le cas contraire, il y a un risque de requalification en donation indirecte, le fisc considérant que la succession a été « vidée » au détriment des enfants.

2ème piège : L’âge des co-souscripteurs

L‘âge de l’adhérent à un contrat d’assurance vie au moment où il verse ses primes intervient dans le traitement fiscal des capitaux à la succession.

Pour un contrat d’assurance vie individuel il n’y aucune ambiguïté possible. On sait que les primes versées après l’âge de 70 ans réintègrent l’actif de succession après un abattement de 30 500 € (tous contrats confondus souscrits après le 20/11/1991).

Mais qu’en est-il sur un contrat d’assurance vie en co-adhésion ? L’âge de quel co-adhérent est-il pris en compte ?

Le traitement fiscal des capitaux décès sera ici fonction de l’âge au moment du versement des primes du co-adhérent dont le décès entraîne le dénouement du contrat.

Le traitement fiscal dépend donc du type de co-adhésion :

  • Pour un contrat à dénouement au premier décès, c’est l’âge du premier conjoint décédé qui sera pris en compte.

    Sur un tel contrat à dénouement au premier décès, si le premier co-adhérent décédé a versé des primes après ses 70 ans, elles seront fiscalisées après abattement, et ce quel que soit l’âge de l’autre co-adhérent.

    Les couples présentant une grande différence d’âge devraient y être particulièrement attentifs, la probabilité que le co-adhérent le plus âgé décède en premier étant, sauf cas particulier, plus élevée.

    Le problème d’âge des souscripteurs ne s’éteint pas au premier décès si le bénéficiaire du contrat est le conjoint survivant comme dans la majorité des cas.

    En effet, le contrat étant dénoué au premier décès, se pose le problème au conjoint survivant bénéficiaire de la destination des capitaux décès. S’il a lui-même plus de 70 ans au moment du décès de son conjoint, il se retrouvera piégé par la limite d’âge s’il veut réinvestir les capitaux décès dans une nouvelle assurance vie dont ses enfants seraient bénéficiaires.

    Les couples dont les 2 conjoints ont dépassé, ou approchent, la limite de 70 ans devraient être particulièrement attentifs à ce piège.

  • Pour un contrat à dénouement au second décès, c’est l’âge du second conjoint décédé qui sera pris en compte.
    Ici encore, la limite d’âge du souscripteur ne s’éteint pas suite au premier décès. Le contrat restant ouvert au seul nom du conjoint survivant, si ce dernier est lui-même âgé de plus de 70 ans, toute prime versée ultérieurement sur le contrat sera réintégrée à la succession après abattement.

3ème piège : La novation

Certaines compagnies d’assurance autorisent la co-souscription à un contrat décalée dans le temps. Il s’agit d’ajouter a posteriori un co-adhérent à un contrat souscrit initialement en adhésion individuelle.

Le fisc considère depuis longtemps qu’une telle opération s’apparente à une « novation » du contrat, c’est-à-dire une nouvelle souscription faisant perdre l’antériorité fiscale du contrat d’origine.

Certains pourraient être tentés par une telle pratique depuis un arrêt de la Cour de cassation de mars 2015 (voir ici).

Dans le cas jugé, la Cour de cassation a estimé que le fait d’ajouter un adhérent à un contrat d’assurance vie antérieur ne constituait pas une “novation du contrat”, et qu’elle était par conséquent neutre fiscalement.

L’examen attentif de l’arrêt révèle cependant qu’il est motivé par le fait que la co-adhésion ne changeait pas l’intention initiale du premier adhérent.

Le contrat, souscrit initialement en 1988, avait été co-souscrit en 1995 et dénoué suite au décès de l’époux en 2003. En l’espèce, le temps écoulé entre la souscription initiale, la co-souscription et le décès ont sûrement joué en faveur des assurés.

J’imagine qu’une co-souscription décalée suivie par exemple du décès rapproché du premier souscripteur et/ou du versement d’une prime très élevée, ne conduiraient sûrement pas à la même décision favorable aux assurés.

Personnellement, je ne me risquerais pas à tenter l’expérience de la co-souscription décalée. Le risque fiscal me semble élevé, et je n’ai pas les moyens de m’offrir un bon avocat.

3 Responses

  1. Liz

    Personnellement, j’ai opté pour la contraction d’une assurance vie individuelle. Je trouve que c’est mieux étant donné que je vis en union libre ! Merci pour le partage.

  2. EYROLLES-CASSOU Angélique

    Bonjour,

    Je comprends mal l’interrogation de l’abattement qui s’applique dans le cas d’une co-souscription pour un couple marié sous la communauté réduite aux acquêts :
    « – Pour un contrat à dénouement au premier décès, c’est l’âge du premier conjoint décédé qui sera pris en compte. Sur un tel contrat à dénouement au premier décès, si le premier co-adhérent décédé a versé des primes après ses 70 ans, elles seront fiscalisées après abattement, et ce quel que soit l’âge de l’autre co-adhérent.
    Les couples présentant une grande différence d’âge devraient y être particulièrement attentifs, la probabilité que le co-adhérent le plus âgé décède en premier étant, sauf cas particuliers, plus élevée. »

    En effet, quelque soit l’abattement qui s’applique vu que le capital après abattement n’est pas soumis à l’impôt pour le conjoint survivant, pour moi la question de l’abattement est sans intérêt. Non ?

    Par contre je m’interroge si les deux co-souscripteurs décèdent, l’un a 65 ans, l’autre 75 ans, quel est l’abattement qui s’applique sur les enfants bénéficiaires par exemple ? Vu que les versements sont conjoints. Merci.

    • Laurent

      Bonjour,

      En effet, quelque soit l’abattement qui s’applique vu que le capital après abattement n’est pas soumis à l’impôt pour le conjoint survivant, pour moi la question de l’abattement est sans intérêt. Non ?

      Oui bien sûr, si le conjoint survivant est l’unique bénéficiaire puisqu’il est exempté de toute taxation. Mon raisonnement s’entend si le conjoint survivant n’est pas l’unique bénéficiaire. Ceci s’applique notamment dans le cas répandu du démembrement de la clause bénéficiaire entre le conjoint survivant et les enfants.

      Par contre je m’interroge si les deux co-souscripteurs décèdent, l’un a 65 ans, l’autre 75 ans, quel est l’abattement qui s’applique sur les enfants bénéficiaires par exemple ? Vu que les versements sont conjoints.

      La réponse est dans le texte. Pour une co-souscription, dénouement premier décès, c’est l’âge du premier conjoint décédé au moment du versement des primes qui sera pris en compte. Toutes les primes versées après les 70 ans du premier décédé seront donc taxées (mais pas leurs produits) au-delà de l’abattement de 30500€.

      D’où le sens de ma remarque pour les couples avec une grande différence d’âge. Dans ce cas la co-souscription n’est en général pas une bonne idée, car on joue alors doublement contre les probabilités : la probabilité du décès du plus âgé en général plus élevée pèse aussi sur les primes versées par le plus jeune. Utiliser des contrats individuels me semble dans ce cas plus adéquat sauf cas très particulier (conjoint plus jeune en mauvaise santé, etc.)

      Laurent.

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